Microbiome

Microbiome

Depuis les années 1960, il est décrit que la seule bactérie associée de façon spécifique aux nématodes entomopathogènes (NEPs) Steinernema et Heterorhabditis est une bactérie symbiotique, Xenorhabdus et Photorhabdus, respectivement.

Ces complexes némato-bactériens sont pathogènes d’insecte selon un cycle décrit dans la Figure 1.

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Figure 1. Le rôle central des bactéries endosymbiotiques dans le succès parasitaire des nématodes entomopathogènes (NEPs) © UMR 1333 -DGIMI

Les trois étapes du cycle de vie, tel ce qui a été décrit depuis les années 60 jusqu’à 2020, sont résumées, depuis le processus infectieux jusqu'à la réassociation spécifique avec les juvéniles infectieux (IJ pour Infestive Juvenil). Les endosymbiontes sont colorés en rouge.1. Infection par un insecte ; 2. Reproduction du nématode dans un cadavre ; 3. Dissémination des IJ dans le sol.

Les endosymbiotes bactériens, appartenant à la famille des Moganellaceae, sont entomopathogènes par injection directe (seringue) dans les larves d’insectes. Ils produisent de nombreux facteurs de virulence, et ont un fort potentiel de production de métabolites spécialisés. Xenorhabdus et Photorhabdus sont localisés dans une région dédiée de l’intestin antérieurs. Ces taxons sont souvent nécessaires et suffisants pour la pathogénèse des NEPs en conditions contrôlées (laboratoire).
Nous avons récemment pu définir un pathobiome associé aux NEPs plus large que l’endosymbiote décrit depuis des dizaines d’années [Ogier et al. 2020. Entomopathogenic nematode-associated microbiota: from monoxenic paradigm to pathobiome. Microbiome. https://doi.org/10.1186/540168-020-00800-5]

Dans ce but, il a été nécessaire de décrire les communautés bactériennes associées aux NEPs puis d’évaluer leur rôle dans la pathogénèse de l’insecte. La stratégie choisie a été de préalablement développer une approche de metabarcoding robuste et adaptée aux NEPs avec deux marqueurs complémentaires (région variable V3-V4 du gène de l’ARNr 16S et région variable du gène rpoB ; Ogier et al., BMC Microbiology, 2019) et de développer des milieux de culture adaptés aux nouveaux taxons détectés (Pagès et al., J Microbiol Methods, 2020). Nous nous sommes ensuite focalisés sur la souche de référence, Steinernema carpocapsae, associée à la bactérie symbiotique Xenorhabdus nematophila pour décrire un core-microbiote du point de vue moléculaire et cultural (Ogier et al., Microbiome, 2020).
 

Résultats principaux
 

En travaillant sur 60 échantillons de S. carpocapsae (souches, lots de multiplications et laboratoires de stockage différents), nous avons décrit une communauté bactérienne composée de la bactérie symbiotique, mais également d’un second cercle bactérien composé de Pseudomonadota (anciennement Protéobactéries) : Alcaligenes faecalis, Stenotrophomonas maltophilia, Pseudomonas, Ochrobactrum, Pseudochrobactrum, Brevundimonas, Achromobacter (Figure 2). 

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Figure 2 : Occurrence (x) et fréquence de forte abondance (y) des OTU associées aux IJ de S. carpocapsae élevés en laboratoire (analyse metabarcoding avec le marqueur rpoB V3-V4) © UMR 1333 -DGIMI

Les OTU abondantes dont les nombres de lectures représentent plus de 0,1 % des lectures totales de l'échantillon ont été représentées. Plus le point est foncé, plus le nombre d'OTU présentant ces caractéristiques est élevé à la position concernée. Parmi les OTU présentant des taux d'occurrence élevés (présents dans plus de 70 % des échantillons), les zones jaune et orange délimitent deux groupes. Groupe orange : fréquence d'abondance élevée >90% (endosymbiote). Groupe jaune : fréquence d'abondance élevée <90% (microbiote fréquemment associé ou FAM pour Frequently Associated Microbiota). L'identité des OTU est indiquée à droite du graphique (confiance bootstrap≥ 0,9). * : OTU présente dans les échantillons de contrôle.

Tous ces taxons sont cultivables et sont fréquemment trouvés dans des organismes ou des compartiments associés avec les sols (Figure 3). 

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Figure 3 : Arbre phylogénétique des distances de 62 isolats bactériens provenant des IJs de S. carpocapsae. © UMR1333-DGIMI

L'arbre phylogénétique des taxons isolés des IJs de S. carpocapsae a été construit à partir des séquences du gène de l'ARNr 16S (1377 nucléotides), avec le modèle à deux paramètres de Kimura et la méthode d'assemblage de neighbour-joining incluse dans le logiciel SeaView 4.7. Les valeurs de Bootstrap (pourcentages de 1000 répétitions) de plus de 90% sont indiquées aux nœuds. Douze souches types (en gras) des genres Xenorhabdus, Pseudomonas, Stenotrophomonas, Alcaligenes, Ochrobactrum, Pseudochrobactrum, Achromobacter et Brevundimonas ont été ajoutées. La barre représente une divergence de séquence de 1 %.

Parmi ces taxons, Pseudomonas protegens et Pseudomonas chlororaphis sont aussi pathogènes par injection directe que la bactérie symbiotique, X. nematophila, ce qui suggère fortement qu’ils participent au pathobiome du NEP (Figure 4).

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Figure 4 : Courbes de survie de l'insecte Spodoptera littoralis après l'injection directe de Pseudomonas protegens et Pseudomonas chlororhaphis associés aux IJs. © UMR1333-DGIMI

Pseudomonas associés aux IJs : souches P. protegens PPSg_SG6 APO, PpSw_SW4, PpSw_TCH07 2-2, PpSc_PP-SC-10, et souche PcSg_SK39 ApoA de P.chlororaphis. Souches rhizospériques : P. protegens CHAOT, P. chlororaphis CFBP2132T. Contrôles positifs : X. nematophila, souche XnSc_F1 (courbe violette en gras). Contrôle négatif (courbe rouge en gras) : E. coli CIP7624. Nous avons injecté 102 ou 103 cellules bactériennes en phase de croissance exponentielle à 20 larves du dernier stade.

Impact scientifique
 

Impact pour la compréhension de l’interaction durable NEP-bactéries
 

Ce travail a conduit à un changement de paradigme dans la compréhension de l’interaction durable NEP-bactéries dans notre UMR, mais également à l’échelle de la communauté internationale travaillant sur ces modèles biologiques. Il conduit également à formuler de nouvelles questions telle la localisation du second cercle bactérien dans les NEPs, l’impact de ce second cercle sur la fitness des NEPs, le rôle du pathobiome dans un environnement changeant et non contrôlé, la structuration de la communauté composant le second cercle bactérien et le rôle des molécules de communication dans cette structuration (Figure 5).

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Figure 5. Fonctions potentielles du second cercle bactérien dans le succès parasitaire des EPN. © UMR 1333 - DGIMI

En complément du rôle de l'endosymbiote, des fonctions sont proposées, depuis le processus infectieux jusqu'à la réassociation spécifique avec les IJ. Les bactéries du deuxième cercle sont colorées en bleu. 1, Infection par un insecte ; 2, Reproduction du nématode dans un cadavre ; 3, Dissémination des IJ dans le sol.

 

Impact sur l’utilisation des NEPs comme vecteurs pour la santé des plantes
 

Ce changement de paradigme permet également d’envisager de nouveaux projets proposant l’utilisation des NEPs pour la vectorisation de bactéries ayant des activités d’intérêt pour la lutte biologique contre les ravageurs de culture (insectes, champignons) ou des activités Plant Growth Promoting (PGP).

Un article de revue explicite les nouvelles hypothèses fonctionnelles découlant de ce changement de paradigme : The endosymbiont and the second bacterial circle of entomopathogenic nematodes. Ogier, J.-C., Akhurst, R., Boemare, N., and Gaudriault, S. (2023). Trends in Microbiology 31: 629–643.