Axe P2P

DES PATHOGENES AUX PATHOBIOMES (P2P)

L'axe P2P regroupe des recherches diversifiées sur les interactions entre l’insecte et sa cohorte de pathogènes, allant des mécanismes moléculaires et cellulaires de la pathogenèse jusqu’à la description des microbiotes (bactérien + viral).

Nous étudions la diversité et la dynamique spatio-temporelle des microbiotes (communautés bactériennes et virales) associés aux insectes d’intérêt agronomique et nématodes entomopathogènes (NEPs), ainsi que leur rôle dans les interactions insecte-pathogène pour définir des pathobiomes (= pathogènes + environnement biotique influençant l’issue de la pathogénèse) de nos insectes. Nous regardons aussi comment certains facteurs abiotiques (température) affectent ces pathobiomes. Enfin nous évaluons les spectres d’hôtes insectes de certains pathobiomes. Du point de vue mécanistique, nous menons des recherches sur la pathogenèse notamment virale en abordant la question du franchissement de la barrière intestinale de l’insecte. Les projets incluent également la caractérisation de la fonction de certains gènes bactériens ou métabolites bactériens au cours du cycle infectieux, et la régulation génétique et épigénétique de leur expression.
 

Les recherches de l’axe P2P, visent ainsi à répondre aux questions suivantes :
 
  • Quelle est la diversité des pathobiomes associés aux invertébrés d’intérêt agronomique ? 
  • Quelle est la contribution des membres du pathobiome au succès du processus infectieux ou parasitaire ?
  • Quelles interactions existent entre les microorganismes du pathobiome, ou entre les sous-populations d’une population bactérienne clonale ?
  • Quels sont les mécanismes moléculaires & cellulaires de l’infection ? 
  • Quelles sont les propriétés adaptatives des membres du pathobiome en conditions environnementales    changeantes ? 
     

Pour répondre à ces différentes questions, les recherches de l’axe P2P sont divisées en Trois Sous-thèmes (focalisés sur quelques modèles biologiques particuliers, comme détaillés ci-dessous) :

 

 

Quelle est la diversité des pathobiomes associés aux invertébrés d’intérêt agronomique ?

Les Objectifs des recherches sont ici :

  1. Explorer la diversité des virus et évaluer leur rôle dans la santé de l’holobionte insecte
  2. Identifier l’impact de facteurs biotiques et abiotiques sur l’assemblage des communautés virales et sur la pathogénicité virale.

Les virus sont extrêmement abondants, diversifiés, et connus pour leurs impacts négatifs sur la santé de leurs hôtes. Cependant, leur écologie reste encore largement inexplorée.

Nous utilisons la métagénomique afin d’étudier :

  1. la diversité des virus d’insectes
  2. l’assemblage de leurs communautés virales
  3. leurs impacts sur la santé des insectes
  4. sous l’effet de différentes contraintes abiotiques

 

Ecologie virale
© INRAE / DGIMI / Sarah François

 

 

Contact : A-N Gosselin-Grenet

Quels sont les mécanismes moléculaires & cellulaires de l’infection ?

Les densovirus sont de tout petits virus qui infectent les arthropodes et les échinodermes. Nous nous intéressons plus particulièrement à ceux qui pourraient être utilisés dans le cadre du biocontrôle des insectes ravageurs de cultures (noctuelles) et des insectes vecteurs de maladies chez l’homme (moustiques). 

Nous étudions :

  1. les mécanismes de l’interaction densovirus-intestin, en particulier les mécanismes moléculaires impliqués dans le franchissement de la barrière intestinale des ravageurs de cultures (tel S. fruigiperda) par les densovirus, étape initiale clé de la pathogenèse virale.
  2. la virulence et les modes de transmission de plusieurs densovirus infectant les moustiques du genre Aedes et Culex, ainsi que l’impact de facteurs abiotiques sur l’infection virale (collab. ISEM, ASTRE, MIVEGEC, IEM)
Densovirus pathogenese
Densovirus pathogenèse © UMR 1333 DGIMI / Floris SCHATT

 

 

Contact : A-N Volkoff

Quels sont les mécanismes moléculaires & cellulaires de l’infection ?

Les polydnavirus sont des virus endogènes présents dans le génome de guêpes endoparasitoïdes (Ichneumonidae et Braconidae). Ils sont :

  • mutualistes pour la guêpe car nécessaires à sa réussite parasitaire ;
  • pathogènes pour la chenille (hôte du parasitoïde) car ils l’immunodépriment et altèrent son développement.

 

Nous étudions :

  1. les mécanismes conduisant à la production de particules virales spécifiquement dans les ovaires de la guêpe, en particulier le rôle des gènes viraux endogènes (une 50aine).
  2. les conséquences physiologiques, cellulaires et moléculaires de l’infection virale pour la chenille parasitée, et étudions l’impact des stress thermiques sur l’infection virale. 

Une meilleure compréhension de la pathogénicité virale permettra d’exploiter les virus en tant qu’agents de biocontrôle contre les insectes nuisibles. 

Polydnavirus
Polydnavirus © UMR 1333 DGIMI / Ange LORENZI

 

 

 Objectifs des recherches de l’UMR en virologie :

Explorer la diversité des virus et évaluer leur rôle dans la santé de l’holobionte insecte.
Identifier l’impact de facteurs biotiques et abiotiques sur l’assemblage des communautés virales et sur la pathogénicité virale.
Mieux comprendre la pathogénicité virale pour exploiter les virus en tant qu’agents de biocontrôle contre les insectes nuisibles.


Approches méthodologiques :

  • Génomique (incluant métagénomique)
  • Transcriptomique
  • Biochimie
  • Imagerie

  

 

Nous nous intéressons aux supports moléculaires dans (i) les interactions entre l’endosymbionte et le microbiote et (ii) dans l’hétérogénéité phénotypique chez les procaryotes

Theme Microbiome, Graphical Abstract
Microbiome : Graphical abstract © UMR 1333 - DGIMI

 

Contact : S. Gaudriault ; J-C. Ogier.

L’objectif principal est ici de définir le pathobiome associé aux NEPs et d’évaluer le rôle des communautés bactériennes associées aux NEPs dans la pathogénèse de l’insecte.

Depuis les années 1960, il est décrit que la seule bactérie associée de façon spécifique aux nématodes entomopathogènes (NEPs) Steinernema et Heterorhabditis est une bactérie symbiotique, Xenorhabdus et Photorhabdus, respectivement.

Ces complexes némato-bactériens sont pathogènes d’insecte selon un cycle décrit dans la Figure 1.

Microbiome_Schema_Role_Bacteries_Endosymbiotiques
Figure 1. Le rôle central des bactéries endosymbiotiques dans le succès parasitaire des nématodes entomopathogènes (NEPs) © UMR 1333 -DGIMI

Les trois étapes du cycle de vie, tel ce qui a été décrit depuis les années 60 jusqu’à 2020, sont résumées, depuis le processus infectieux jusqu'à la réassociation spécifique avec les juvéniles infectieux (IJ pour Infestive Juvenil). Les endosymbiontes sont colorés en rouge.1. Infection par un insecte ; 2. Reproduction du nématode dans un cadavre ; 3. Dissémination des IJ dans le sol.

Les endosymbiotes bactériens, appartenant à la famille des Moganellaceae, sont entomopathogènes par injection directe (seringue) dans les larves d’insectes. Ils produisent de nombreux facteurs de virulence, et ont un fort potentiel de production de métabolites spécialisés. Xenorhabdus et Photorhabdus sont localisés dans une région dédiée de l’intestin antérieurs. Ces taxons sont souvent nécessaires et suffisants pour la pathogénèse des NEPs en conditions contrôlées (laboratoire).
Nous avons récemment pu définir un pathobiome associé aux NEPs plus large que l’endosymbiote décrit depuis des dizaines d’années [Ogier et al. 2020. Entomopathogenic nematode-associated microbiota: from monoxenic paradigm to pathobiome. Microbiome. https://doi.org/10.1186/540168-020-00800-5]

Dans ce but, il a été nécessaire de décrire les communautés bactériennes associées aux NEPs puis d’évaluer leur rôle dans la pathogénèse de l’insecte. La stratégie choisie a été de préalablement développer une approche de metabarcoding robuste et adaptée aux NEPs avec deux marqueurs complémentaires (région variable V3-V4 du gène de l’ARNr 16S et région variable du gène rpoB ; Ogier et al., BMC Microbiology, 2019) et de développer des milieux de culture adaptés aux nouveaux taxons détectés (Pagès et al., J Microbiol Methods, 2020). Nous nous sommes ensuite focalisés sur la souche de référence, Steinernema carpocapsae, associée à la bactérie symbiotique Xenorhabdus nematophila pour décrire un core-microbiote du point de vue moléculaire et cultural (Ogier et al., Microbiome, 2020).
 

Résultats principaux
 

En travaillant sur 60 échantillons de S. carpocapsae (souches, lots de multiplications et laboratoires de stockage différents), nous avons décrit une communauté bactérienne composée de la bactérie symbiotique, mais également d’un second cercle bactérien composé de Pseudomonadota (anciennement Protéobactéries) : Alcaligenes faecalis, Stenotrophomonas maltophilia, Pseudomonas, Ochrobactrum, Pseudochrobactrum, Brevundimonas, Achromobacter (Figure 2). 

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Figure 2 : Occurrence (x) et fréquence de forte abondance (y) des OTU associées aux IJ de S. carpocapsae élevés en laboratoire (analyse metabarcoding avec le marqueur rpoB V3-V4) © UMR 1333 -DGIMI

Les OTU abondantes dont les nombres de lectures représentent plus de 0,1 % des lectures totales de l'échantillon ont été représentées. Plus le point est foncé, plus le nombre d'OTU présentant ces caractéristiques est élevé à la position concernée. Parmi les OTU présentant des taux d'occurrence élevés (présents dans plus de 70 % des échantillons), les zones jaune et orange délimitent deux groupes. Groupe orange : fréquence d'abondance élevée >90% (endosymbiote). Groupe jaune : fréquence d'abondance élevée <90% (microbiote fréquemment associé ou FAM pour Frequently Associated Microbiota). L'identité des OTU est indiquée à droite du graphique (confiance bootstrap≥ 0,9). * : OTU présente dans les échantillons de contrôle.

Tous ces taxons sont cultivables et sont fréquemment trouvés dans des organismes ou des compartiments associés avec les sols (Figure 3). 

Microbiome_Fig3_ArbrePhylogenetique_isolats_S-carpocapsae
Figure 3 : Arbre phylogénétique des distances de 62 isolats bactériens provenant des IJs de S. carpocapsae. © UMR1333-DGIMI

L'arbre phylogénétique des taxons isolés des IJs de S. carpocapsae a été construit à partir des séquences du gène de l'ARNr 16S (1377 nucléotides), avec le modèle à deux paramètres de Kimura et la méthode d'assemblage de neighbour-joining incluse dans le logiciel SeaView 4.7. Les valeurs de Bootstrap (pourcentages de 1000 répétitions) de plus de 90% sont indiquées aux nœuds. Douze souches types (en gras) des genres Xenorhabdus, Pseudomonas, Stenotrophomonas, Alcaligenes, Ochrobactrum, Pseudochrobactrum, Achromobacter et Brevundimonas ont été ajoutées. La barre représente une divergence de séquence de 1 %.

Parmi ces taxons, Pseudomonas protegens et Pseudomonas chlororaphis sont aussi pathogènes par injection directe que la bactérie symbiotique, X. nematophila, ce qui suggère fortement qu’ils participent au pathobiome du NEP (Figure 4).

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Figure 4 : Courbes de survie de l'insecte Spodoptera littoralis après l'injection directe de Pseudomonas protegens et Pseudomonas chlororhaphis associés aux IJs. © UMR1333-DGIMI

Pseudomonas associés aux IJs : souches P. protegens PPSg_SG6 APO, PpSw_SW4, PpSw_TCH07 2-2, PpSc_PP-SC-10, et souche PcSg_SK39 ApoA de P.chlororaphis. Souches rhizospériques : P. protegens CHAOT, P. chlororaphis CFBP2132T. Contrôles positifs : X. nematophila, souche XnSc_F1 (courbe violette en gras). Contrôle négatif (courbe rouge en gras) : E. coli CIP7624. Nous avons injecté 102 ou 103 cellules bactériennes en phase de croissance exponentielle à 20 larves du dernier stade.

 

Impact scientifique
 

Impact pour la compréhension de l’interaction durable NEP-bactéries
 

Ce travail a conduit à un changement de paradigme dans la compréhension de l’interaction durable NEP-bactéries dans notre UMR, mais également à l’échelle de la communauté internationale travaillant sur ces modèles biologiques. Il conduit également à formuler de nouvelles questions telle la localisation du second cercle bactérien dans les NEPs, l’impact de ce second cercle sur la fitness des NEPs, le rôle du pathobiome dans un environnement changeant et non contrôlé, la structuration de la communauté composant le second cercle bactérien et le rôle des molécules de communication dans cette structuration (Figure 5).

Microbiome Figure 5 Fonctions Potentielles Cercle Bactérien
Figure 5. Fonctions potentielles du second cercle bactérien dans le succès parasitaire des EPN. © UMR 1333 - DGIMI

En complément du rôle de l'endosymbiote, des fonctions sont proposées, depuis le processus infectieux jusqu'à la réassociation spécifique avec les IJ. Les bactéries du deuxième cercle sont colorées en bleu. 1, Infection par un insecte ; 2, Reproduction du nématode dans un cadavre ; 3, Dissémination des IJ dans le sol.

 

Impact sur l’utilisation des NEPs comme vecteurs pour la santé des plantes
 

Ce changement de paradigme permet également d’envisager de nouveaux projets proposant l’utilisation des NEPs pour la vectorisation de bactéries ayant des activités d’intérêt pour la lutte biologique contre les ravageurs de culture (insectes, champignons) ou des activités Plant Growth Promoting (PGP).

Un article de revue explicite les nouvelles hypothèses fonctionnelles découlant de ce changement de paradigme : The endosymbiont and the second bacterial circle of entomopathogenic nematodes. Ogier, J.-C., Akhurst, R., Boemare, N., and Gaudriault, S. (2023). Trends in Microbiology 31: 629–643.

 

Contact : A. Carré-Mlouka ; A. Givaudan

Nous étudions la dynamique et interactions sociales entre bactéries dans le pathosystème « insecte infesté par des nématodes entomopathogènes (NEPs) ». Sur le plan mécanistique, l’objectif est de comprendre les rôles joués par les métabolites spécialisés bactériens (métabolites secondaires) dans le succès du cycle némato-bactérien, en utilisant des approches d’écologie chimique. Plus particulièrement, nous étudions l’impact de ces composés (molécules antimicrobiennes ou signal) dans la structuration des populations microbiennes du pathobiome.

Notre projet de recherche se concentre sur la dynamique et les interactions sociales entre bactéries dans le pathosystème étudié : l’insecte infesté par des nématodes entomopathogènes.

Ce projet va au-delà de l’étude de la pathologie des bactéries entomopathogènes et de la réaction immunitaire des insectes, puisqu’il vise à analyser l’étape suivante du processus infectieux, la phase nécrotrophe

Communication- schéma Phase Necrotrophe
la phase nécrotrophe © UMR1333 - DGIMI

 

Ce projet nous oriente vers l’écologie microbienne et l’écologie chimique médiée par les métabolites secondaires produits par les bactéries symbiotiques. Certains métabolites sont antibiotiques et valorisés par une société privée avec laquelle nous entretenons une collaboration historique

Les bactéries appartenant aux genres Photorhabdus et Xenorhabdus sont entomopathogènes et vivent en association symbiotique avec des nématodes des sols. Ces nématodes chassent les larves d’insectes, injectent leurs endosymbiotes bactériens et l’insecte meurt en 48h. Le cadavre infecté, abritant également une communauté microbienne (nécrobiome) apportée par l’insecte et les nématodes (Cf. portofolio#4), sert de ressource nutritionnelle pour la reproduction des nématodes et permet la réassociation avec le symbionte. Depuis les années 1930, les nématodes entomopathogènes sont considérés comme des agents de biocontrôle pour lutter contre les ravageurs des sols. Récemment, les endosymbiontes ont été reconnus pour leur grande capacité à produire de nombreuses molécules bioactives diversifiées, notamment des antibiotiques.  Une part importante de leur génome est dédiée à la biosynthèse d’un large panel de métabolites spécialisés, produits grâce à de grands complexes enzymatiques (mégasynthases de type NRPS/PKS). 

 Durant cette période, notre objectif était d’étudier les mécanismes clés impliqués dans les interactions bactériennes (cf figure) dans notre modèle. Nous avons valorisé nos recherches sur les métabolites antimicrobiens produits par les symbiontes (Xenorhabdus et Photorhabbus) ainsi que sur  la self-resistance de nos bactéries à ces antibactériens. Nous avons également étudié un système macromoléculaire protéique impliqué dans les interactions antagonistes contact-dépendantes, le système de sécrétion de type VI (T6SS), en collaboration avec le groupe d’ Eric Cascales (CNRS, Marseille) .

Communication, schema Interactions Bacteriennes
Interactions Bacteriennes © UMR 1333 - DGIMI

 

 

Contact : J. Brillard ; A. Givaudan

L’objectif est ici de caractériser l'hétérogénéité phénotypique observée chez les bactéries entomopathogènes, et d’identifier quels mécanismes y contribuent.
En particulier, nous nous intéressons aux phénomènes épigénétiques liés à l'état de la méthylation des génomes (méthylomes) bactériens

 

Différentes stratégies conduisent à l’émergence de sous-populations bactériennes in vivo.

Une stratégie de "bet hedging" est mise en œuvre chez Photorhabdus pour constituer un mélange de sous-populations préexistantes qui assurent l'hétérogénéité de la résistance aux peptides antimicrobiens (PAMs). Certaines cellules sont sensibles aux PAMs alors que d’autres sont pré-adaptées pour leur résister, assurant ainsi la survie bactérienne dans l’environnement hostile que constitue l’hémolymphe de l’insecte et donc le succès de l’infection (Mouammine et al, 2017).

Alors que de nombreuses publications décrivent les facteurs bactériens impliqués dans les étapes précoces de l’infection chez l’insecte, très peu de données sont disponibles pour déchiffrer ce qui se passe dans le cadavre après la mort de l'insecte. Xenorhabdus et Photorhabdus isolés des nématodes sont typiquement décrits comme appartenant à un état phénotypique dit « primaire ». Cependant, dans toutes les espèces de symbiotes des deux genres de Xenorhabdus et Photorhabdus, des variants apparaissent lorsqu'ils atteignent la phase stationnaire avancée dans les milieux de culture et dans les cadavres d'insectes. Ainsi, une partie de la population bactérienne se convertit en formes dites « secondaires » (ou variant 2), voire « tertiaires » chez Xenorhabdus (Figure 1). En collaboration avec J.-B. Ferdy (Univ. Toulouse), nous avons montré que le variant 2 de Xenorhabdus est en fait un mutant dans un régulateur transcriptionnel global (Lrp). Une survie élevée (dite « GASP » pour Growth advantage in stationary-phase) a été observée chez ces variants pendant la phase stationnaire avancée expliquant pourquoi ils atteignent une charge élevée pendant les infections tardives. Cependant, l'impact des variants sur la fitness du système global (mesurée par le nombre de nématodes produits après l'émergence) est faible. Notre hypothèse est que l’existence de ces variants permet à Xenorhabdus d’élaborer une stratégie de « division du travail » (Cambon et al, 2019).

Selection des variants dits "GASP"
Figure 1. Scénario de sélection des variants dits « GASP » dans des cultures discontinues à long terme et au cours du cycle de vie de X. nematophila. © UMR 1333 - DGIMI

(A) Croissance bactérienne au cours de l'infection. (B) Étapes clés du cycle de vie de X. nematophila. A partir de 3 jours post-infection (dpi), les variants GASP (mutants lrp du groupe 2 en rouge et du groupe 3 en vert) sont détectés et augmentent rapidement en fréquence car ils résistent mieux aux conditions de la phase stationnaire que les variants primaires (en bleu). Lorsque les nématodes commencent à se disperser vers 10 à 15 jours post-infection, la population de X. nematophila dans le cadavre de l'hôte peut comprendre une forte proportion de variants GASP. En principe, les variants GASP, pourraient donc contribuer à la transmission. Cependant, nos données suggèrent que les nématodes qui portent des variants GASP ont une probabilité plus faible de réussir à infecter de nouveaux insectes (Cambon et al, 2019).

 

De l'hétérogénéité phénotypique à la méthylomique

Pour rechercher l'origine mécanistique de l'émergence de sous-populations, nous avons également étudié les phénomènes épigénétiques liés à l'état de la méthylation du génome (Méthylome Xéno). La méthylation de l'ADN peut provoquer des différences dans l'expression de certains gènes, notamment ceux codant pour des facteurs impliqués dans les interactions hôte-bactéries. En raison de la compétition entre les protéines régulatrices et les méthyltransférases pour l'accès aux sites consensus des promoteurs, l'expression des gènes varie en fonction de l'état de méthylation de l'adénine ou de la cytosine des séquences promotrices. Un outil puissant (le séquençage SMRT pour Single Molecule Real-Time) sans étape d'amplification de l'ADN a été récemment développé pour caractériser le méthylome. Avec des collaborateurs du LIPM (INRAE, Toulouse), nous avons réalisé les premières descriptions des méthylomes de bactéries entomopathogènes (Payelleville et al, 2018 ; Ginibre et al., 2022). Nous avons :

  • Identifié un taux élevé de méthylation de l'ADN qui était stable au cours de la croissance.
  • Montré que l'émergence de la sous-population résistante aux PAMs n'était pas due à la méthylation de l'ADN.
  • Mis en évidence l’existence de régions non méthylées dans certains promoteurs (Figure 2).
  • Montré que la surexpression de la méthyltransférase Dam chez Photorhabdus entraîne une diminution significative de la motilité (sous-expression des gènes flagellaires) et de la virulence après injection dans des larves de lépidoptères de Spodoptera littoralis (Payelleville et al, 2017).

 

Shéma : Premier methylome bacterie entomopathogene
Figure 2. Premier méthylome d’une bactérie entomopathogène. © UMR 1333 - DGIMI

Nous avons déterminé que la méthylation du génome de Photorhabdus est stable aux différentes phases de croissance testées. Ce travail apporte des informations clés sur les méthylomes bactériens en montrant que certains loci ne sont pas méthylés par la méthylase Dam et encourage donc à la poursuite des recherches pour découvrir les régulateurs transcriptionnels protégeant ces loci de la méthylation de l'ADN (Payelleville et al, 2018).

Enfin, en collaboration avec le laboratoire de D. Clarke (Cork University, Ireland), nous avons évalué l'impact de la méthylation sur la relation mutualiste entre Photorhabdus et le nématode. Alors qu’aucune différence dans la quantité de juvéniles infectieux (IJs pour infective juveniles) émergeant du cadavre n'a été observée entre les deux souches, une augmentation significative de la TL50 (temps nécessaire pour tuer 50% des insectes) apparait lors de l'infestation des insectes par les IJs associés à la souche surexprimant la méthyltransférase (Payelleville et al, 2019). Ces résultats confirment que la méthyltransférase Dam de Photorhabdus joue un rôle dans la pathogénicité du complexe nématobactérien.

 

Bibliographie

  • Cambon, M.C., Parthuisot, N., Pages, S., Lanois, A., Givaudan, A., Ferdy, J.-B. 2019. Selection of bacterial mutants in late infections: when vector transmission trades off against growth advantage in stationary phase. mBio 10, 1-14.
    DOI : 10.1128/mBio.01437-19.
     
  • Ginibre N., Legrand L., Bientz V., Ogier J.-C., Lanois A., Pages S., Brillard J. (2022). Diverse Roles for a Conserved DNA-Methyltransferase in the Entomopathogenic Bacterium Xenorhabdus. International Journal of Molecular Sciences, 23 (19), 20 p., https://dx.doi.org/10.3390/ijms231911981.
     
  • Mouammine, A., Pages, S., Lanois Nouri, A., Gaudriault, S., Jubelin, G., Bonabaud, M., et al. 2017. An antimicrobial peptide-resistant minor subpopulation of Photorhabdus luminescens is responsible for virulence. Sci Rep 7, 43670. DOI : 10.1038/srep43670.
     
  • Payelleville, A., Lanois, A., Gislard, M., Dubois, E., Roche, D., Cruveiller, S., et al. 2017. DNA adenine methyltransferase (Dam) overexpression impairs Photorhabdus luminescens motility and virulence. Front Microbiol 8, 14 p.
    DOI : 10.3389/fmicb.2017.01671.
     
  • Payelleville, A., Legrand, L., Ogier, J.-C., Roques, C., Roulet, A., Bouchez, O., et al. 2018. The complete methylome of an entomopathogenic bacterium reveals the existence of loci with unmethylated Adenines. Sci Rep 8, 1-14.
    DOI : 10.1038/s41598-018-30620-5.
     
  • Payelleville, A., Blackburn, D., Lanois, A., Pages, S., C Cambon, M., Ginibre , N., et al. 2019. Role of the Photorhabdus Dam methyltransferase during interactions with its invertebrate hosts. PLoS One 14, 14 p.
    DOI : 10.1371/journal.pone.0212655.

 

 

 

Quelles sont les propriétés adaptatives des membres du pathobiome en conditions environnementales changeantes ?

En employant une approche d’évolution expérimentale, les objectifs de ce nouveau projet sont :

  1. ​​​​de déterminer quels phénotypes sont associés aux propriétés adaptatives des nématodes entomopathogènes (NEPs) à une température non-optimale haute, et 
  2. d’identifier les mécanismes impliqués dans cette adaptation. 

Les données obtenues permettront une meilleure compréhension des mécanismes impliqués dans les interactions multi-organismes de ces complexes némato-bactériens.

shéma : Propriétés adaptatives  pathobiome
Propriété adaptatives des membres du pathobiome en conditions environnementales changeantes © UMR1333-DGIMI